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Une cimenterie à l’arrêt après une action de militants écolos, Lafarge et la majorité dénoncent une «opération criminelle»

Environ 200 activistes se sont introduits et ont saboté un site du cimentier Lafarge dans les Bouches-du-Rhône, samedi.
par Olivier Monod
publié le 12 décembre 2022 à 13h30

Emboîtant le pas à Gérald Darmanin, qui avait dénoncé le recours à «l’écoterrorisme» lors des manifestations anti-bassine à Sainte-Soline en octobre et novembre dernier, des responsables politiques ont accusé lundi les militants écologistes de verser dans la criminalité après une opération spectaculaire ce week-end contre un site de Lafarge.

«Il ne s’agit pas d’activisme mais d’une action criminelle», a assuré le porte-parole du cimentier, Loïc Leuliette. «Ce ne sont pas des militants du climat mais des criminels, a tweeté de son côté la députée Modem Perrine Goulet. Si cette usine n’est pas en conformité avec la loi, alors que des plaintes soient déposées et que la justice fasse son travail. Dans l’intervalle on ne détruit le bien d’autrui.»

Dimanche, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, avait condamné «ceux qui au nom de l’écologie font de la violence la seule expression de leur lutte», sur Twitter.

Vêtues de combinaisons de protection blanches, environ 200 personnes ont investi l’usine de Bouc-Bel-Air (Bouches du Rhône) samedi, détruisant une partie du matériel sur place à coups de masses et de marteaux. «Les fours qui ont été ciblés, longtemps alimentés par des déchets industriels et des pneus, sont aujourd’hui le symbole du greenwashing. La pollution atmosphérique est considérable et a été maintes fois dénoncée par toute la presse et les riverain·e·s. Pour autant, les cheminées crachent toujours leur venin», ont justifié les activistes dans un communiqué relayé par le mouvement les Soulèvements de la Terre.

Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, a également pris la défense du cimentier en rappelant que le site visé faisait «partie des 50 sites prioritaires a décarboner». Comprendre : le gouvernement avait identifié le problème et les activistes n’ont causé que des dégâts inutiles.

Ce plan, présenté par Emmanuel Macron au début du mois de novembre, consiste à signer, d’ici six mois, «un contrat de transition écologique» visant à définir cette feuille de route de décarbonation et listant «les choix de technologie retenus, les aides mises en place et les investissements prévus». Cela n’a visiblement pas convaincu les activistes.

Lafarge parle de son côté d’une «action d’une violence inédite», qui a causé «d’importants dégâts» sur les installations, les bâtiments et les véhicules. «L’ensemble des salariés est aujourd’hui choqué par la violence de cet acte de vandalisme qui porte atteinte à leur outil de travail et à la sécurité des opérations», affirme le groupe qui annonce avoir porté plainte. L’entreprise emploie 200 salariés et doit encore préciser l’étendue des dégâts. Les activistes disent avoir «saboté les infrastructures de l’incinérateur, éventré les palettes de ciment et mis hors d’état de nuire les machines». Le site est à l’arrêt depuis l’action.

Lafarge n’est pas une cible nouvelle pour les écologistes radicaux. «Cette action fait très largement écho avec l’occupation simultanée et le démontage de plusieurs sites Lafarge en juin 2021 à Paris, la résistance contre la destruction du bocage de Saint-Colomban en Loire-Atlantique ou encore celle de la ZAD de la Colline en Suisse contre l’extension de carrière Lafarge», rappelle leur communiqué.

Au passage, les militants n’oublient pas de rappeler que Lafarge a été impliqué avec Daesh. Le groupe a accepté de payer une sanction financière de 778 millions de dollars aux Etats-Unis et de plaider coupable pour avoir aidé des organisations terroristes en Syrie, dont le groupe Etat islamique, entre 2013 et 2014.

Cette action peut aussi être lue comme une critique de la politique de grands projets et la bétonisation derrière les «projets les plus aberrants du siècle», du chantiers du Grand Paris et des JO 2024 à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou l’extension des carrières de St-Colomban en Loire-Atlantique. «Puisque le pouvoir se crispe sur ses grands projets et invente le terme d’écoterrorisme pour légitimer sa traque des militant·e·s, nous nous devons de mettre en échec les projets d’aménagement du territoire et de détruire les infrastructures qui les rendent possibles nous-mêmes», justifient les militants.

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