Image issue du dossier de presse du plan rivières karstiques 2022-2027 (pas le plan) publié par la préfecture 18 jours après sa signature avec le Conseil départemental du Doubs.

C’est par une publication Facebook du département que nous avons appris la signature d’un « plan rivières karstiques 2022-2027 » piloté par la préfecture et le Conseil Départemental du Doubs. D’autres acteurs majeurs et essentiels quand il s’agit de questions d’eau n’étaient pas non plus dans la confidence. C’est incompréhensible, d’autant que ce plan vante les mérites de la transparence et de la coopération.

Cela aurait éventuellement pu se concevoir si, de manière confidentielle, un plan ambitieux avait été acté pour planifier les mesures nécessaires pour restaurer la qualité des cours d’eau du Doubs. Il n’en est rien. Une fois que celui-ci nous a été transmis, après avoir dû le demander, nous sommes tombés de haut.

Le plan « rivières karstiques 2022-2027 » n’en est pas un. Tout est vague et extrêmement concis. Il n’y a ni échéance, ni objectifs, ni moyens. Ce n’est qu’un recensement d’actions en cours ou prévues qui, pour la plupart, tentent uniquement de faire respecter la loi et les réglementations déjà en vigueur. Il ne s’agit pas d’un plan, mais d’une opération de communication basée sur du vide. C’est la raison d’être de « rivières karstiques 2022-2027 », qui ne s’en cache d’ailleurs pas. Chacun pourrait le vérifier si ce « plan » était rendu public par ses promoteurs. Mais il ne l’est pas, et on comprend pourquoi…*

Nous avons surtout la crainte que cela ne camoufle en réalité une reculade. L’unique résolution du plan est de « fixer des objectifs quantifiables, mesurables et atteignables progressivement entre 2022 et 2027 en matière de qualité de l’eau et gestion quantitative de la ressource ». Est-ce que cela signifie que l’échéance pour agir efficacement est repoussée à 2027 ? Dans 5 ans ?

Les scientifiques ont établi dès 2020 les limites de concentration en nitrate et en phosphore qu’il ne faut pas dépasser dans les rivières pour garantir leur bon fonctionnement. Ces chiffres ont été validés en mars 2022 par la CLE (Commission Locale de l’Eau) de l’EPAGE Haut-Doubs-Haute-Loue.

C’est la prochaine étape qui sera déterminante : les concentrations maximales dans l’eau étant connues, il s’agit maintenant de déterminer les flux admissibles pour ne pas les dépasser. Une étude a été commandée à ce sujet par l’EPAGE Haut-Doubs-Haute-Loue et ses résultats sont attendus pour 2024.

Comme cela est rappelé par la Préfecture, la CLE aura donc « à définir les quantités maximales de nutriments (azote et phosphore) que peuvent supporter les cours d’eau du territoire pour diminuer plus fortement le développement des algues qui asphyxient nos rivières. Cela pourra se traduire par des normes de rejets, issus des activités humaines, renforcées. »

Nous demandons que l’EPAGE et la CLE, qui a le pouvoir de rendre un règlement obligatoire, agissent en responsabilité et en cohérence avec les conclusions et les préconisations des scientifiques dès 2024. Une fois la quantité de flux admissibles validée, on ne saurait imaginer que des mesures contraignantes ne soient pas immédiatement mises en œuvre pour les faire respecter. Cela devra concerner les pratiques agricoles, les fromageries, le traitement des eaux usées (individuel et collectif) et les industries.

Les premiers épisodes de mortalité massive datent de plus de 12 ans, il est urgent d’agir pour sauver nos rivières. Alors que toutes les données sont connues, que les responsabilités sont établies scientifiquement, doit-on continuer à sacrifier nos cours d’eau et menacer l’approvisionnement en eau potable de tout un territoire pour le poids économique de l’AOP comté ? Alors que son cahier des charges est en cours de mise à jour, il est exigeant mais manifestement insuffisant, nous voyons là une occasion à ne pas manquer.

Défendre les cours d’eau est trop souvent associé à de l’agribashing. Il ne s’agit pas de s’attaquer au monde agricole ou à un fromage qui fait notre fierté, mais de réduire une pollution que nos sols karstiques ne sont pas en capacité d’absorber et de filtrer. C’est dans l’intérêt de tous, du monde agricole comme de la filière comté. L’agriculture n’est pas la seule responsable, mais son impact est majeur. La profession, tout comme les pouvoirs publics, ne peuvent plus feindre de l’ignorer. Chacun doit agir à son niveau de responsabilité.

*La Préfecture a publié sur sont site le dossier de presse du plan rivières karstiques 2022-2027 (mais pas le plan en lui-même) le jour même de l’envoi de ce communiqué aux médias.
Le site de l’eau du département a publié mi-octobre le plan en lui-même : https://doubs-eau.fr/preserver-et-gerer/plans-dactions/le-plan-rivieres-karstiques-2027-une-ambition-partagee-de-preserver-les-rivieres-du-plateau/

2 réponses sur “Pollution des rivières : ne pas attendre 2027 pour agir

  1. LORSQUE LA POLITIQUE PROCRASTINE …

    Je suis las…et découragé d’intervenir sur ce sujet… Je l’ai fait tant de fois sans beaucoup d’écho ! Certes, je peux comprendre que dans un contexte où nos concitoyens, à juste titre, sont préoccupés par des questions de vie quotidienne mais aussi par de graves menaces internationales, la question de la santé de nos rivières puisse sembler secondaire… Pourtant, cet enjeu ne concerne pas que les pêcheurs, c’est notre futur qui est en cause.
    Dès les premières atteintes visibles sur la Loue en 2010 (elles sont en fait très anciennes), j’avais pris l’initiative de créer une « task force » État Département, à laquelle était associée la Région. Objectif : à partir d’un diagnostic partagé, engager les actions correctives adaptées. A l’appui de cette initiative, j’avais l’habitude de prendre en exemple la réussite du lac du Bourget. Ce plan d’eau était devenu un cloaque…Grâce à l’engagement convergent de tous les acteurs nationaux et locaux, le lac a pu retrouver sa pureté d’antan. Le double ingrédient de cette réussite : union et persévérance dans les mesures engagées. Il aura fallu 10 ans sans doute pour arriver au résultat observé. Face à une réussite comme celle-là, le Doubs est devenu un contre-exemple : « stop and go » dans l’action, désunion…et beaucoup de paroles sans prise sur le réel. A minima, près de 6 ans ont été perdu… De plus, on a vraiment la mémoire courte : en 2014 au terme des études et des observations nécessaires, le Préfet FRATACCI et moi-même avions réussi à mobiliser Ségolène ROYAL, Ministre de l’environnement pour que le « conseil général » du Ministère mobilise tous ses moyens au service de notre territoire. C ‘est ainsi, qu’en septembre 2016, un rapport rassemblant un ensemble de propositions correctives était proposé par cette instance. Ce fut le rapport dit « Vindimian » et intitulé « propositions de mesures pour le territoire d’excellence environnementale de la Loue et des rivières comtoises »… Il n’a jamais connu un début d’application… Entre temps, la majorité avait changé au département et n’a jamais repris à son compte cet enjeu. Et, sauf erreur de ma part, ce rapport est tombé dans l’oubli…dès sa publication. 4 ans de travail et d’investissement à la poubelle !!! Qui s’en est ému ? Je ne peux oublier que le premier geste de mes successeurs en arrivant aux affaires fut, dans l’indifférence générale, de retirer la plainte que j’avais déposé contre un agriculteur pour atteinte à l’environnement (il avait déversé du lisier dans une doline…) Quel beau symbole !
    Le Vice-Président, Philippe ALPY, en charge de ces questions au Département, déclare que la collectivité est animée, aujourd’hui, d’une réelle volonté politique : je ne suis jamais dans le procès d’intention. Je veux donc croire dans la sincérité de sa déclaration…Je veux croire enfin qu’elle puisse se traduire dans l’action …dès à présent ! Mais pour agir efficacement, encore une fois, il faut, autour d’objectifs concrets et atteignables, de la continuité, de la persévérance et savoir rassembler un territoire tout entier: lorsque j’étais Président j’avais réussi à unir, dans l’action, tous les acteurs par-delà des clivages…Jean-François LONGEOT, alors Maire d’Ornans et leader de mon opposition départementale, pourrait en témoigner.
    Dernière remarque, directement issue de l’observation précédente : certes l’agriculture porte une responsabilité singulière… Depuis la sortie des quotas laitiers, la situation s’est sans doute encore un peu aggravée… Pour autant, ne faisons pas des éleveurs les uniques responsables… Ce serait inexact et injuste ! En fait nous sommes tous COUPABLES. En particulier, n’oublions ni la pollution domestique(alimentée par les détergents, les médicaments et les …lingettes qui saturent nos stations d’épuration
    !) ni la pollution industrielle. Les causes sont MULTIFACTORIELLES : si l’on oublie cette donnée nous passerons à côté dans les solutions mises en œuvre. Chers amis, conseillers départementaux,, agissez ensemble dans la continuité : mais, les résultats ne seront pas au rendez-vous immédiat. Il faut de la durée! Raison de plus pour agir , CONCRÈTEMENT, TOUT DE SUITE, ET FORT!!!

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