"Les promesses de l'hydrogène vert", Géo

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LES HYDROCARBURES DE LA MER DU NORD ONT LONGTEMPS FAIT LA RICHESSE DES ORCADES. MAIS L’ARCHIPEL ÉCOSSAIS A AUJOURD’HUI TOURNÉ LE DOS AU PÉTROLE POUR MISER SUR L’ÉNERGIE DU VENT, DES VAGUES ET DES MARÉES. REPORTAGE. T E XT E D E B OS T J A N V I D EM S EK

Au large d’Aberdeen, ces éoliennes offshore font partie de la plus grande ferme flottante au monde. D’une puissance combinée de 30 MW, elles peuvent alimenter 20 000 foyers.

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DPA / Photononstop

E N É C O S S E Le pari du «tout renouvelable»


ÉCOSSE

A

bord du petit ferry rouillé qui relie Kirkwall, la «capitale» des Orcades, à l’îlot voisin de Shapinsay, le vent souffle de tous les côtés à la fois. Des paquets de mer s’abattent sur le pont. Au large, la houle déchaînée, plus noire que bleue, est veinée d’écume blanche. À l’intérieur, le personnel, rompu aux tempêtes et à des vagues pouvant atteindre plus de dix mètres de haut, accomplit ses tâches, stoïque. Situé à quinze kilomètres de la côte nord de l’Écosse, au point de rencontre de l’océan Atlantique et de la mer du Nord, l’archipel des Orcades est exposé à des vents violents (force huit en moyenne en hiver) et à des marées exceptionnellement puissantes. Depuis les Vikings, qui en firent la conquête, les marins qui s’aventurent entre ses 70 îles – seulement une vingtaine sont peuplées – connaissent les criques où se réfugier en cas de gros temps. Les 22 000 habitants, concentrés pour l’essentiel sur la principale, Mainland, vivent en osmose avec ces éléments. Mais depuis quelques années, c’est un autre vent, pionnier, qui souffle sur ce petit territoire de l’extrême, plus proche du cercle polaire arctique que de Londres… Une révolution est en effet à l’œuvre dans le microarchipel qui dépendait encore, au début des années 2000, de l’électricité produite par la combustion du charbon et du gaz sur le «continent» britannique et transmise par un câble sous-marin, désormais tombé en désuétude. Aujourd’hui, 800 éolien­ nes ponctuent le paysage, permettant aux Orcades d’être autosuffisantes sur le plan énergétique, et même au-delà, car on y produit plus de 120 % de l’électricité consommée sur place. Une exception

au Royaume-Uni. L’archipel écossais est également un hub unique au monde en matière de recherche sur les énergies marines renouvelables. Il accueille en effet une dizaine d’expériences pilotes destinées à convertir l’énergie des vagues et des courants en électricité, une concentration inégalée sur la planète. Les Orcadiens, décidément à l’avant-garde du développement durable, ont même décidé de transformer leur surplus d’électricité en… hydrogène vert, plutôt que de l’exporter. En 2019, une enquête annuelle menée par la banque Halifax sur la qualité de vie au RoyaumeUni a placé les Orcades en tête de son palmarès : taux d’emploi le plus élevé du pays, qualité des écoles, sécurité, espérance de vie au top… l’archipel a plus d’un atout. Stromness accueille même un campus réputé, antenne de l’université HeriotWatt d’Édimbourg. Ses disciplines phares ? Les sciences de la terre, le changement climatique, le développement des énergies renouvelables et en particulier des énergies marines. En son sein, le Centre international de technologie insulaire (Icit) attire des étudiants du monde entier. Depuis sa création, en 1990, 400 jeunes en sont sortis diplômés. Une mine de compétences pour la région. C’EST À COSTA HEAD, AU NORD-OUEST DE MAINLAND, QUE FUT INSTALLÉE LA TOUTE PREMIÈRE ÉOLIENNE DU ROYAUME-UNI. Détruite

par une grosse tempête, elle fut remplacée, en 1987, par une turbine géante, solidement fichée dans le béton à Burgar Hill, un peu plus au sud. Remplacée par un équipement plus moderne en 2001, la turbine de trois mégawatts fonctionne encore, toute l’année, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La plupart des 800 éoliennes que compte aujourd’hui l’archipel (une concentration record à l’échelle du RoyaumeUni) sont des dispositifs individuels installés sur le terrain des habitants, notamment sur les exploitations agricoles. Outre l’autonomie énergétique, les Orcadiens y gagnent… de l’argent, en revendant leur surplus au réseau local. Victor Fraser, un ancien officier de l’armée britannique, propriétaire d’un bed and breakfast et d’une petite ferme à St Margaret’s Hope, dans le sud de Mainland, tire ainsi de son éolienne environ 15 000 euros par an. L’archipel ne se contente pas de fabriquer sa propre électricité à partir d’énergies décarbonées. Il innove en utilisant son surplus pour produire un autre combustible «propre» : l’hydrogène. Dans le port de Kirkwall, des stations de remplissage

Avec ses 800 éoliennes, l’archipel est aujourd’hui autosuffisant et exporte même de l’électricité

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d’hydrogène sont déjà à la disposition des ferries et des autorités locales, qui utilisent cinq véhicules équipés de piles à hydrogène. Le gaz (compressé et transporté dans des tubes) provient de l’île voisine de Shapinsay, où une éolienne alimente un dispositif permettant de fabriquer de l’hydrogène par électrolyse, c’est-à-dire en décomposant les molécules de l’eau à l’aide du courant électrique. Un hydrogène dit «vert», par opposition à celui que l’on produit à partir de sources carbonées comme le charbon, le pétrole ou le gaz naturel. «La demande en hydrogène va monter en flèche au niveau mondial, assure Catherine McDougall, en charge du projet pour l’entreprise britannique ITM Power. Le problème pour l’instant, c’est son coût, qui reste élevé, en raison des énormes quantités d’énergie nécessaires pour séparer l’hydro-

Baptisé Pingouin, ce vaisseau ancré dans la baie de Billia Croo est un prototype, sur lequel travaille l’ingénieur français Baptiste MathiéClaverie. Son objectif : produire de l’électricité en utilisant le mouvement des vagues.

gène de l’oxygène, mais aussi à cause des catalyseurs, conçus avec des métaux rares et coûteux, comme le platine et l’iridium.» Des minerais par ailleurs non renouvelables… Autre obstacle au développement de cette technologie : la taille des piles à hydrogène, plus adaptée aux gros véhicules (bateaux, camions, bus…) qu’aux voitures personnelles. À Shapinsay, la petite centrale est conçue pour fournir 400 kg d’hydrogène par jour. Le but, d’ici à 2021 : chauffer les classes de l’école locale, qui compte 25 élèves, et alimenter les ferries qui font la navette entre les îles. Mais le centre névralgique des énergies renouvelables se trouve à Stromness. Depuis 2003, ce petit port tranquille, qui vivait autrefois de la pêche au hareng, accueille en effet le Centre européen des énergies marines (Emec), dédié à

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la recherche sur l’énergie des vagues et des marées. Un centre d’essai unique au monde, principalement financé par des fonds publics, où ont débarqué chercheurs, ingénieurs et investisseurs du monde entier. «L’énergie de la mer est notre programme Apollo», affirme Neil Kermode, le directeur général de l’Emec. Le Centre offre un formi­dable terrain d’expérimentation en conditions réelles. Au large de Stromness, des engins futuristes convertissent l’énergie marine en courant électrique : serpent de mer (de l’écossais Pelamis Wave Power), turbine cyclopéenne (de l’irlandais Open Hydro), turbine flottante (de l’écossais Orbital Marine Power, voir panorama p. 8), barge flottante (du finlandais Wello Oy)… LE SITE EST IDÉAL, NOTAMMENT POUR SES VAGUES : SOUMISE AUX FORCES DYNAMIQUES DE L’ATLANTIQUE NORD, la zone possède un

des plus grands potentiels d’Europe en énergie dite «houlomotrice». Ici, les vagues sont ininterrompues et peuvent atteindre 17 mètres de haut. En 2003, le gouvernement travailliste écossais publia un rapport selon lequel 10 % de l’électrici­té en Écosse pourrait être produite par les vagues et les marées, soit une puissance de 300 mé­gawatts, l’équivalent d’une centrale nucléaire. En 2008, l’ancien Premier ministre écossais Alex Salmond déclarait que le détroit de Pentland Firth, dans le sud des Orcades, allait devenir «l’Arabie saoudite des énergies marines». On est encore loin du but et l’Emec n’en est qu’à ses balbutiements. «Certaines machines ont été des échecs, reconnaît Gareth Davies, biologiste océanique et consultant auprès des acteurs locaux. Mais cela fait partie du processus. Après tout, nous sommes des inventeurs et notre travail consiste aussi à apprendre de nos erreurs. Les océans offrent une grande partie de la solution face au changement climatique. Il serait dommage de rester dans l’expectative.» La première barge houlomotrice, nommée Pingouin, conçue par l’entreprise finlandaise Wello Oy, a ainsi coulé en mars 2019, après une terrible tempête. Mais un Pingouin de deuxième génération, équipé d’un générateur de 500 kilowatts et censé résister à des vagues de 20 mètres de haut a déjà été mis à l’eau. «C’est un véritable exploit logistique, souligne Baptiste Mathié-Claverie, un ingénieur originaire de Bordeaux et diplômé de l’Icit à l’université de Stromness, en charge de la maintenance. Les vagues idéales se forment dans des conditions météo précises, qui sont très difficiles à prévoir. L’appareil est fonctionnel lorsque leur hauteur se situe entre 1,5 et 3,5 mètres. Mais le créneau favorable pour installer notre barge ne se présente environ qu’une fois par an…» Plus prévisibles et moins

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ÉCOSSE

LES PROMESSES DE L’HYDROGÈNE VERT

LÉGER ET TRÈS ÉNERGÉTIQUE, L’HYDROGÈNE S’EST IMPOSÉ DANS LES DÉBATS COMME UN ACTEUR CLÉ DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE. MAIS ATTENTION… IL NE S’AGIT PAS D’UNE SOLUTION MIRACLE.

Qu’est-ce que l’hydrogène ?

Tout commence sur un malentendu. Le dihydrogène (H2), que l’on appelle com­ munément, et par abus de langage, hydrogène, n’est pas, en tant que tel, une ressource énergétique. Sa présence à l’état naturel est, en effet, anecdotique. Quelques poches ont été repérées dans le sous-sol (au Mali, par exemple), et il existe aussi des émanations en surface (aux Philippines, en NouvelleCalédonie, au Brésil…). Mais ces petits gisements ne permettent pas d’exploiter le gaz à l’état naturel. La seule solution pour utiliser l’hy­dro­ gène à grande échelle consiste donc à le produire, grâce à des réactions chimiques (vapo­reformage, gazéification, électrolyse, ….). Des techniques qui sont loin d’être nouvelles puisqu’elles ont commencé à se déve­ lopper dès le XIXe siècle. «Aujourd’hui, dans le monde, on consomme plusieurs dizaines de millions de tonnes d’hydrogène par an. On ne découvre pas soudaine­ ment son intérêt !», ironise, face à l’engouement récent, François Kalaydjian, coordina­ teur hydro­gène au sein de l’IFP-Énergies nouvelles. En revanche, on s’intéresse d’un peu plus près à notre manière de le produire et de le consommer.

S’agit-il d’une énergie verte ?

Tout dépend de la façon dont il est produit ! Aujourd’hui, la quasi-totalité de l’hydrogène est obtenue via les énergies fossiles. 71 % de la production mondiale est ainsi issue du vaporeformage du gaz naturel, une technique consistant à faire interagir de la vapeur d’eau avec du méthane (CH4), pour obtenir, d’une part du dioxyde de carbone, de l’autre du dihydrogène. Presque tout le reste de la production mondiale est obtenu via la gazéifi­cation, qui consiste à brûler du charbon de bois ou des hydrocarbures. Ces deux méthodes ont l’inconvé­ nient de produire de grandes quantités de C02. Ce qui explique que la filière hydro­ gène est aujourd’hui respon­ sable de 2 % des émissions de gaz à effet de serre (autant que l’aviation). La seule méthode utilisée aujourd’hui à l’échelle industrielle pour produire de l’hydrogène sans rejet de C02 est l’électrolyse de l’eau. À l’aide d’un courant électrique, celle-ci est décomposée pour obtenir d’un côté de l’oxygène de l’autre du dihydrogène. Elle ne repré­ sente que 1 % du dihydrogène produit mondialement. Et encore faut-il, pour qu’elle ait un sens, que l’électricité utilisée soit décarbonée… Et donc issue des énergies renouvelables ou du nucléaire.

transformations et infrastruc­ tures et paraissent plus adaptées aux gros véhicules qu’aux voitures individuelles. Installé sur l’île de Shapinsay (Écosse), cet électrolyseur alimenté par les énergies renouvelables permet de transformer l’eau en dihydrogène (H2). C’est à ce jour la seule façon de produire de l’hydrogène vert.

Quels pays misent sur cette technologie ? Selon l’Hydrogen Council, une organisation mondiale regroupant des entreprises qui souhaitent développer l’économie de l’hydrogène, plus de 520 projets sont annoncés dans le monde pour verdir la production de ce gaz. Beaucoup d’entre eux émanent de pays qui produi­ sent déjà de grandes quanti­ tés d’hydrogène à partir de matières fossiles. La Chine, en premier lieu, qui a annoncé une trentaine d’initiatives autour de l’électrolyse de l’eau en s’appuyant notamment sur son parc éolien et solaire de Mongolie intérieure. Ou les États-Unis, qui ont récemment voté un budget de 9,5 mil­ liards de dollars pour stimuler le secteur de l’hydrogène vert. Viennent ensuite des pays comme l’Australie, Oman, ou les Émirats arabes unis, qui exportent des combustibles fossiles et entendent se diver­sifier en produisant aussi de l’hydrogène propre. Enfin, on trouve les États qui ont

fortement misé sur les énergies renou­vela­bles, et qui souhai­tent ren­tabiliser ces dernières en les convertissant en hydrogène… comme le font déjà les Orcades (voir notre reportage). La Namibie, le Maroc, et son grand complexe solaire de Ouarzazate, ou encore le Chili, champion du renouvelable en Amérique latine, entendent ainsi exporter leur surplus élec­ trique sous forme d’hydrogène. Car c’est là le gros avan­tage de cette énergie : permettre de stocker l’électricité produite par les renouvelables, une énergie par nature intermit­ tente puisqu’elle dépend des caprices du vent et du soleil, pour la réutiliser à l’envie.

À quoi doit servir l’hydrogène vert ?

C’est parce qu’il sert d’inter­ médiaire entre une source d’énergie et une utilisation que l’hydrogène prend son sens. À partir du moment où il est obtenu grâce à une électricité propre, il peut même devenir un atout précieux pour décarboner certains secteurs d’activité qui

produisent de grosses quan­tités de C02. L’industrie lourde, par exemple, qui non seulement consomme beaucoup d’énergie, mais peut aussi avoir besoin d’hydro­gène dans ses processus de fabrication. À Marseille, une unité de production d’hydro­ gène propre de 600 MW décarbonera ainsi les grosses industries pétrochimiques et sidérurgi­ques du bassin de Fos dès 2026. En Suède, un prototype d’aciérie ambitionne de remplacer le charbon, traditionnellement utilisé dans la fabrication de l’acier, par de l’électricité et de l’hydrogène sans énergie fossile. L’Inde envisage, elle, une législation obligeant les raffineries de pétrole et les usines d’engrais à utiliser un quota minimum d’hydrogène vert dans leurs processus industriels. Autre secteur qui pourrait se décarboner grâce à l’hydro­ gène : les transports. En utilisant ce gaz, voitures, camions, bateaux ou avions pourraient circuler sans émettre de C02… Mais ces solutions exigent de lourdes

La réalité est-elle à la hauteur des attentes ?

Si l’hydrogène vert suscite beaucoup d’engouement, il faut se garder d’y voir une panacée. Sa production demande non seulement d’importants investissements structurels, mais aussi d’énormes quantités d’électri­ cité. Selon l’Agence internatio­ nale de l’énergie, il faudrait ainsi sept fois la production électrique totale de la France pour assurer, par électrolyse de l’eau, les besoins mondiaux actuels. Une électricité qui a un coût. «Pour le réduire, il faudrait que les installations fonctionnent à plein régime, ce qui nécessite une approche systémique sur la façon dont on utilise les énergies renouvelables», estime François Kalaydjian. «L’hydro­ gène c’est smart et ça séduit les élus… mais mieux vaut attendre un peu et privilégier, à court terme, le développe­ ment de l’éolien et du solaire», estime ainsi Marc Jedliczka, coprésident du Cler-Réseau pour la transition énergétique. Bref, malgré tous les espoirs que fait naître l’hydrogène vert, sa généralisation n’est C pas pour tout de suite. NOÉLIE COUDURIER

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ÉCOSSE

Et ailleurs… EN CHINE Du soleil comme s’il en pleuvait Le problème, avec l’énergie solaire, c’est son intermittence, c’est-à-dire son incapacité à assurer une production constante. Selon les caprices de la météo et le cycle journuit, les panneaux produisent un peu, beaucoup, ou pas du tout. Pour pallier ce problème, une solution consiste à stoc­ ker l’éner­gie en vue d’un usage ultérieur, par exemple en la convertissant en hydrogène. Dans le désert de Gobi, les scien­tifiques chinois explorent une autre voie : les centrales solaires thermo­dynamiques. À Dunhuang, des miroirs concentrent les rayons vers une tour, qui absorbe cette chaleur et l’accumule dans des sels fondus. Ceux-ci peu­vent être exploités, de façon différée, pour actionner une turbine à vapeur, et produire de l’électricité selon les besoins. Getty Images

dangereuses pour les machines que la houle, les marées constituent une piste encore plus prometteuse. C’est cette source intarissable qu’espère exploiter Orbital Marine Power. L’entreprise britannique a mis à l’eau en 2021, au nord de l’archipel, sa turbine Orbital 02. D’une puissance de deux mégawatts, l’hydrolienne, considérée comme la plus puissante au monde, a commencé à fournir de l’électricité pour 2 000 foyers. À l’échelle de la planète, le potentiel de l’énergie marémotrice est estimé à 380 térawattheures par an, soit environ 2 % de l’électricité produite dans le monde, contre 19 % pour l’énergie hydraulique continentale (barrages sur les cours d’eau). Pour l’heure, seules la France (avec l’usine de la Rance) et la Corée du Sud (avec l’usine de Sihwa) possèdent des centrales marémotrices en fonction, qui utilisent non pas des hydroliennes mais des barrages installés sur des estuaires à fort marnage (différence entre marée haute et marée basse). LES HYDROLIENNES TESTÉES AU LARGE DES ORCADES SONT-ELLES LA TECHNOLOGIE DU FUTUR ? Il faudra pour répondre éva-

luer son impact sur l’environnement et notamment sur la faune marine. En 2017, un rapport publié par le Scottish Natural Heritage, un organisme public chargé de la gestion du patrimoine naturel écossais, assurait que, dans les zones où sont testés les prototypes, aucune espèce n’avait été perturbée. Bruit, vibrations, chocs possibles avec les pales… les risques existent bel et bien mais restent difficiles à mesurer au stade où en est le développement de ces technologies. Si les Orcades sont à l’heure actuelle le plus important centre d’essai en la matière, d’autres projets sont en cours dans le monde, au Canada, en Corée du Sud, au Portugal ou en Inde. Ironie de l’histoire, en cette ère post-Brexit, c’est en partie à l’Union européenne que les Orcades (qui ont voté contre la sortie de l’Union à 63 %) doivent leur statut de laboratoire des énergies renouvelables. Bruxelles apporte son soutien financier à l’Emec et contribue à la recherche locale sur l’hydrogène dans le cadre du projet européen Big Hit, qui entend développer l’hydrogène pour réduire la dépendance énergétique dans les zones i­ solées. Selon la Commission européenne, l’énergie des océans pourrait répondre à environ 10 % de la demande en électricité des pays de l’Union européenne d’ici à 2050. Et si les expérimentations menées au large du petit archipel écossais se révèlent viables à plus grande échelle, le vent et la mer, qui ont façonné la vie des Orcadiens, pourraient à l’avenir influencer celle d’autres Européens. C BOSTJAN VIDEMSEK (TRADUIT ET ADAPTÉ PAR ALINE MAUME)

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Dans le désert de Gobi, ces 12 000 miroirs font converger les rayons du soleil vers une tour qui les convertit en énergie.

AU KENYA Le Rift à toute vapeur On l’appelle Hell’s Gate, la porte de l’Enfer. Situé à 120 km au nord de Nairobi, sur la faille tectonique du Grand Rift, le site, classé à l’Unesco, est réputé pour ses animaux sauvages, ses deux volcans, mais aussi pour ses geysers, ses sources d’eau chaude et ses volutes de vapeur qui s’échappent du sol. Le signe d’une intense activité­souterraine, qui a attiré ici des spécialistes de la géothermie pro­ fonde. Dès 1981, une cen­

trale fut ainsi érigée sur le site d’Olkaria, à quelques encablures d’Hell’s Gate. Celle-ci, la seule du genre en Afrique, s’est depuis considérablement agran­ die : ses 137 puits, qui vont chercher la vapeur jusqu’à 2 000 m de profondeur, permettent de développer une puissance de 550 MW. Soit 40 % des besoins électriques du Kenya. Le pays a ainsi rejoint, avec l’Islande ou les États-Unis, le peloton de tête de l’énergie géothermique.


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