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Actes du webinaire “EHPAD, entre fermeture et ouverture, perspectives post-covid”

Mardi 30 mars 2021 de 9h30 à 11h00

INTRODUCTION

Farid Taleb – Directeur de l’association Futurâge

L’association Futurâge Pôle Charles Foix existe depuis un peu plus de 20 ans et agit dans le champ du bien-vieillir. Aujourd’hui l’association accompagne ses partenaires, acteurs médicaux-sociaux, AP-HP, universités ou collectivités pour une meilleure compréhension des enjeux du vieillissement des populations. Cela passe par la création et la mise en place d’événements comme celui-ci, à la création d’outils et d’études en fonction des besoins.

Aujourd’hui, compte-tenu du contexte sanitaire, il a fallu se réunir à distance. Depuis un peu plus d’un an, de nombreuses structures organisent ce type de rencontre qui fonctionne plutôt bien. Nous abordons la situation EHPAD qui sont au cœur de l’attention de l’opinion depuis un an, en donnant notamment la parole à des professionnels qui font vivre ses établissements au quotidien.

Jean-Charles Pomerol – Président de Futurâge

Futurâge a toujours été soutenue par les organisations du Val-de-Marne et les municipalités du territoire Grand-Orly Seine Bièvre. C’est une association qui est intimement liée à l’hôpital Charles Foix. Beaucoup de choses ont changé ces dix dernières années concernant cet hôpital qui est devenu extrêmement moderne, je dirais même à la pointe pour s’occuper des personnes âgées et pour le retour à l’autonomie et les soins de suite.

L’hôpital Charles Foix et Futurâge sont en avance sur les questions du vieillissement. En effet, ils militent pour une réflexion autour des EHPAD. La pandémie a mis en exergue une problématique de gestion dans les EHPAD : il est difficile de gérer autant de personnes non autonomes alors qu’un certain nombre de personnes auraient pu bénéficier d’un logement plus adapté. Il faut apporter une pluralité de possibilités de logements à la perte d’autonomie, aborder l’intergénérationnel comme sujet de réflexion, rester à domicile. Il faudrait sortir du tout EHPAD.

Autre sujet qui est cher à Futurâge : on a longtemps considéré sympathique que les personnes âgées, se retirent de la vie publique, « qu’on donnait une pension pour qu’elles n’agissent pas » si j’ose dire. Les personnes âgées sont une ressource pour la municipalité, pour tout le monde et il faut le faire savoir, faire changer ce point de vue. Nous organisons un colloque en présentiel le jeudi 07 octobre prochain (si les conditions nous le permettront) à Ivry-sur-Seine autour de l’utilité sociale des personnes âgées après la retraite (bénévolat, famille, vie citoyenne).

Audio :

09h40 : Comment garder de la vie en EHPAD ? Covid, isolement, vaccination, animation

Intervenante : Brigitte LECORNU directrice de l’EHPAD La Forêt à Bagnoles-de-l’Orne

Notre EHPAD accueille 72 résidents, avec une unité Alzheimer, sachant que 70% de nos résidents ont des troubles cognitifs. Avant de traverser la crise, nous avions quelques atouts sur lesquels nous nous sommes appuyés. Notre projet d’établissement est axé sur un lieu de vie. Je dis tout le temps au personnel soignant « passé la demi-heure de soins du matin qu’est-ce qu’on peut offrir aux résidents ?

De quoi ont-ils envie ». De ça découle un bon pôle de vie sociale, un bon pôle animation avec une animatrice que j’appelle, coordinatrice de l’animation, et huit ASG (assistantes de soins en gérontologie), donc des aides-soignantes qui ont la formation ASG et qui ont une autre approche de la personne âgée.

Nous avons aussi utilisé l’outil informatique pour faciliter l’intergénérationnel. Des étudiants issus d’un établissement d’enseignement adapté (EREA) sont venus encadrer nos résidents et les aider à utiliser l’outil informatique, à créer des adresses mails, à aller visiter des sites web. Une résidente voulait retourner revisiter le Louvre, elle y est allée en compagnie d’une élève. C’était très drôle parce que l’élève ne pensait vraiment pas visiter un musée un jour, alors qu’avec la résidente elle l’a fait sans problème.

Il y a aussi l’outil Famileo que nous utilisions depuis quelques années. C’est une start-up qui a créé cet outil qui permet aux résidents de recevoir sous forme de gazette les sms envoyés par leurs proches. Il y a un code donné à chaque résident. Pour tous leurs proches : ça peut aller de l’arrière petit cousin à l’oncle aux Etats-Unis. Donc ils reçoivent tous les lundis une gazette avec tous les sms envoyés par leur famille, et vice-versa, les résidents envoient des sms à leur famille, avec des photos des animations à l’intérieur de la résidence. Ces liens étaient déjà importants avant la crise, ils ont été renforcés depuis la crise.

Nous avons eu la chance de n’avoir aucun cas Covid, et cela facilite les choses. Pendant la crise, très rapidement on a cherché à maintenir le lien social. Au 6 mars 2020 tous les résidents sont confinés en chambre. Et avec cette équipe de ASG/animation, très rapidement ont été mis des dispositifs pour garder le lien avec toute la famille. Ça a été très drôle, parce que certains résidents ont revu en même temps, enfants, arrières petits-enfants. C’était un rendez-vous familial et certains nous disaient « cela nous rappelle les repas de communion ».

Nous avons reçu des tablettes, données par la fondation Boulanger avec Orange et le Crédit Agricole. Cela a permis à nos résidents les plus autonomes de pouvoir jouer au scrabble ou à la belotte entre eux à distance. Même s’ils étaient en chambre, il y avait une interaction entre eux.

Et pour ceux qui ne pouvaient pas utiliser la tablette, l’équipe d’animation a mis en place un journal au format papier, qui était distribué toutes les semaines et où les résidents pouvaient trouver des jeux, des questions et des quizz. Ensuite nous avons organisé des animations de couloir, où chaque résident était à la porte de sa chambre pour faire de la gym douce avec un circuit dans le couloir. Chacun encourageait son voisin de chambre à participer. Les anniversaires, le loto étaient organisé aussi en animation couloir. Nous avons essayé d’organiser les animations qui avaient lieu en temps normal.

Il y avait aussi une animation très particulière autour du plateau repas pour garder ce moment de plaisir. En temps normal le repas est aussi un temps aussi d’échange avec les soignants puisque nous mangeons avec les résidents. Il y a un soignant par table. Nous échangeons sur la vie à l’extérieur, la vie avec nos enfants.

Nous remarquons que depuis que nous avons repris les repas en salle en petits effectifs et sans les soignants, nous perdons de la vie et nous le remettrons en place dès cela sera possible. Comme dans beaucoup d’établissements nous avons renforcé l’équipe avec une aide-soignante de plus le matin et une de plus le soir. C’est une des choses que nous pourrons garder après, parce que cela simplifie le travail de tout le monde., et du fait que moi je n’ai pas été impacté par le covid.

Grâce au travail de notre association nous avons pu avoir un vélo connecté. Pendant que le résident pédale, il visite une ville en France ou à l’étranger. Une résidente a pu retourner en Croatie dans un endroit qu’elle connaissait, elle a pris plaisir à revisiter les lieux. Une autre est allée visiter Cannes et en nous disant « qu’est-ce qu’il fait chaud aujourd’hui à Cannes » alors qu’ il faisait plutôt froid ce jour-là.

Nous avons aussi une tablette géante qui a permis des animations de couloir, à deux trois résidents voisins de pouvoir faire des activités en commun. Entre les deux confinements de 2020 nous avons eu la chance d’avoir la fin des travaux de deux salles à manger qui sont aussi des lieux de rencontres par petit groupe. Nous avons le dispositif des « salles à manger comme à la maison » où les résidents peuvent venir déjeuner en robe de chambre quand ils en ont envie. Le matin nous ne réveillons personne. Chacun s’adapte à son rythme de vie,

De toute cette crise ce qui en ressort c’est que nous apprenons à tout âge. Nous avons été hyper connecté pendant les confinements. Que les résidents soient Alzheimer ou pas ils y arrivent, avec un peu plus d’encadrement. Nous allons garder ce lien avec les outils informatiques. Ne serait-ce déjà que pour la télémédecine qui a été développée très rapidement mais aussi avec WhatsApp ou le vélo connecté.

Nous allons reprendre contact avec des étudiants pour pouvoir enregistrer des parcours familiers de nos résidents afin qu’ils puissent visiter virtuellement ces endroits. Nous avons répondu à un appel à projet de la DRAC qui va nous permettre de créer une émission de radio. Les résidents pourront nous dire ce qu’ils ont envie de (re)transmettre.

Ce qui été difficile pour les résidents c’était de ne pas pouvoir voir leurs petits-enfants, leurs arrière-petits-enfants car les moins de 15 ans avaient pas le droit d’entrer dans l’établissement. Nous allons travailler sur la transmission que ça soit sur l’héritage ou le savoir-être. Nous venons de fêter les 100 ans d’un résident et ses enfants disaient qu’ils retiendront toujours sa joie de vivre.
Je pense que nos EHPAD sont des lieux ressources.

Nous travaillons aussi avec les personnes âgées qui sont à l’extérieur. Par exemple notre restaurant est ouvert le midi à des personnes âgées extérieures, souvent des hommes, parce qu’ils n’ont pas trop envie de cuisiner. Au premier confinement, nous étions fermés complètement aux personnes extérieures. Quand ils sont revenus l’été dernier, ils nous ont dit « ah non plus jamais ça, on a cru qu’on allait mourir parce qu’on s’habille le matin pour venir vous voir, on a envie de voir du monde ». Donc au deuxième confinement nous avons continué d’accueillir nos personnes âgées de l’extérieur, en leur donnant accès à une salle sans communication avec nos résidents, mais où au moins ils pouvaient discuter avec nous. L’EHPAD comme ressource sur le territoire ça me parait intéressant.

Concernant la campagne de vaccination, nous avons eu la chance qu’une résidente, ancienne infirmière, a rappelé à tout le monde l’histoire de la vaccination en France : que c’est quelque chose de communautaire, on se vaccine certes pour se protéger mais aussi pour protéger les autres. Elle a cité son propre exemple où est a eu une mini-variole par le passé. Elle s’est alors faite vaccinée pour protéger les personnes de son service. Sur les 72 résidents, 70 sont vaccinés. 36 membres du personnel sur 50 le sont aussi. Une deuxième campagne a commencé et quasiment tout le monde sera vacciné. Ce qui permet maintenant d’ouvrir les portes plus sereinement.

Nos résidents peuvent se promener à l’extérieur l’après-midi, sans le repas en famille pour l’instant car c’est un moment où on retire le masque . Même si nous avons fait une exception pour notre résident qui vient d’avoir 100 ans avec un repas en famille dans l’EHPAD. Nous ne savons pas s’il sera encore là l’année prochaine donc c’était important qu’il revoit tout le monde aujourd’hui. Et enfin par rapport à l’ouverture à l’extérieur, nous avons inscrit dans le plan gérontologique du département une halte-répit. C’est à dire que lorsqu’on a un conjoint qui a la maladie d’Alzheimer, et qu’il est compliqué d’avoir du temps pour soi pour aller chez le médecin ou chez le coiffeur par exemple. On nous confie le conjoint pour une heure, deux heures, le temps d’une activité cognitive, d’un repas.

Audio :

10h00 : L’organisation des EHPAD pour traverser cette crise sanitaire

Intervenante : Brigitte DE MARIA, vice-présidente de l’association Horizons Solidaires qui regroupe 6 établissements en France

Je vous remercie, bonjour à tous,

Pour mon support de présentation j’ai préparé un petit document qui va marquer un peu le déroulement de la présentation. La présentation va se dérouler en 3 parties, la 1re partie qui est une présentation de l’association, ensuite le pilotage de l’établissement pendant la crise et enfin l’appui financier de l’association qu’a évoqué Brigitte tout à l’heure.

L’association Horizons Solidaires – Refuge des cheminots, est une association qui a été créée en 1926, elle est reconnue de l’utilité publique depuis 1930. Nous avons aujourd’hui 7500 adhérents et nous avons 2 pôles d’activité, le premier historique, la convivialité des personnes âgées autour de 31 comités locaux répartis en France. Le deuxième volet est la gestion d’EHPAD, et prochainement d’une résidence service sénior à Saint Nazaire.

La vie de la personne âgée comprend trois périodes de vie : le début de la retraite professionnelle où on a besoin de maintenir un contact avec les autres, de maintenir un contact social, à travers des activités conviviales, sportives et culturelles. C’est le rôle des comités locaux. Quand l’âge avance, on peut avoir besoin d’une vie paisible et sécurisée, ce n’est pas le moment d’entrer en EHPAD, mais on pense à un besoin de sécurité, d’un habitat plus sûr, de rompre avec l’isolement. La réponse peut être la résidence service sénior. Enfin, quand la dépendance arrive, il y a le besoin d’un accompagnement soutenu. Pour cela nous sommes propriétaires et nous gérons aujourd’hui 6 EHPAD, l’Orangerie à Ivry Sur Seine, tout près de l’hôpital Charles Foix, Georges Rosset à Rambouillet,

La Forêt dont Brigitte Lecornu vient de vous parler tout à l’heure, Lou Casteig à Salies de Béarn, André-Louis Bienvenu à Mouans-Sartoux et le Val de l’Eve à Saint-Nazaire. Nous avons également un EHPAD sous mandat de gestion actuellement, Bon Repos à la Montagne.

Dès le 9 mars 2020, la direction générale de l’association a décidé de fermer tous les établissements, soit une semaine avant l’annonce gouvernementale. Alors effectivement on a eu le confinement des résidents dans leur chambre, et les 7 établissements comme tous les établissement de France et de Navarre, ont dû faire face à des manques d’équipements : les masques, les blouses, les gants, les chariots, etc.

Il a fallu à ce moment-là développer et déployer une somme d’énergies phénoménales, pour trouver des solutions bis, pour pallier à ce manque d’équipement. Il y avait également un manque de personnel, et puis il a fallu réorganiser l’animation, réorganiser la distribution des repas, organiser les visioconférences avec les familles, Brigitte vous en a parlé longuement tout à l’heure donc je ne vais pas en dire plus, si ce n’est pour saluer l’investissement de la direction des établissements et du personnel dès le 9 mars 2020.

D’emblée, nos deux établissements d’Ile-de-France ont été frappés par l’épidémie. Le 31 mars le président de l’association et la directrice générale ont envoyé un courrier à toutes les ARS, dont dépendent nos établissements, pour alerter sur le manque d’équipement. C’était là un premier appui pour nos établissements.

Dans nos deux établissements d’Ile-de-France, on a déploré 36 décès.

Comment a-t-on assuré le pilotage :

On s’est aperçu qu’il fallait absolument assister les directeurs d’établissement qui étaient très sollicités pendant cette crise. Le bureau exécutif de l’association a décidé à partir du 2 avril de mettre en place une aide au pilotage de la direction générale et au renforcement du lien et a organisé des téléconférences bi-hebdomadaires au départ. Quand on s’est habitué, si on peut employer ce mot, aux contraintes, le rythme a diminué.

L’objectif de ce pilotage rapproché était de libérer les directrices de certaines tâches pour qu’elles puissent avoir de la disponibilité pour des activités plus essentielles, et notamment d’assurer la circulation d’informations entre les établissements. Nos établissements étant sur plusieurs ARS avaient des difficultés et des modes de fonctionnement qui étaient différents. Il nous a semblé important de pouvoir échanger entre les établissements, pour pouvoir donner des pistes quand on était en recherche de matériel, ou des idées d’animation. On a essayé aussi de faire en sorte que les établissements qui n’étaient pas touchés par la maladie puissent aider ceux qui étaient touchés de plein fouet.

L’association a cherché également à mettre en place un soutien pour les salariés. Nous l’avons fait par un appui financier de l’association. Notre objectif était que, assurer un soutien au salarié, aurait obligatoirement un impact sur le bien être des résidents. L’association sur ses fonds propres, avant qu’on parle de primes au niveau gouvernemental, a versé des primes aux salariés afin de les récompenser pour leur implication et leur bienveillance auprès des résidents. Nous avons versé des premières primes en avril et en juin 2020. Le montant des primes a été défini en fonction de critères de présence, et pour la prime de juin nous avons appliqué une majoration pour les établissements de Rambouillet et d’Ivry-sur-Seine.

Parallèlement nous avons fait un appel aux dons à nos adhérents via notre magazine, via notre site internet, via Facebook, via nos partenaires média également. La force de l’association c’est aussi l’ensemble de ses adhérents, pas uniquement ceux qui sont juste autour des EHPAD. Cet appel aux dons a été productif puisque nous avons 164 donateurs avec des dons moyens de 200 euros et allant de 10 à 10 000 euros. Ce qui a représenté une collecte globale de 33969 euros que nous avons distribué, dès juillet 2020, sous forme de chèque cadeau d’un montant unitaire de 100 euros à tous les salariés.

En plus de ces dons faits par nos adhérents, des dons ont été remis directement aux établissements par les familles de résidents ou par les entreprises de chaque région. Ces dons ont été utilisés dans les établissements pour améliorer le bien-être des résidents de l’établissement dans lequel ces dons avaient été faits, ou en soutien des salariés des établissements concernés. Nous avons eu également des dons en nature. Brigitte l’a évoqué tout à l’heure, avec les tablettes numériques de la fondation Boulanger.

Nous avons eu aussi des dons avec des entreprises locales : des boulangers, des chocolatiers, des biscuiteries. Des choses qui semblent très banales mais qui ont eu un impact très important sur l’amélioration de la vie sociale des résidents. Notamment le lien avec l’extérieur avec les tablettes. Les dons de chocolat et de biscuits ont apporté des moments de joie et de détente dans l’établissement, notamment au moment de Pâques et du 1er mai. C’était des moments de plaisir, aussi bien pour les salariés que pour les résidents.

La crise n’est pas finie malheureusement, la quasi-totalité de nos résidents sont vaccinés, dans les 7 établissements que j’ai cité tout à l’heure. La pression des familles est importante pour revenir à une situation normale. Mais ce n’est pas encore tout à fait le cas. Les directeurs d’établissement sont soumis à forte pression. Les directives étant suffisamment vagues, leur responsabilité est toujours très engagée pour répondre aux sollicitations des familles. Les équipes sont toujours très sollicitées, et je profite de ce moment où j’ai la parole pour leur renouveler un grand merci.

Anne-Marie Thierry, France Bénévolat : Ce que je trouve remarquable dans vos 2 témoignages, c’est l’ouverture sur l’extérieur. Vous n’êtes pas dans un monde clos. Vous êtes toujours en relation aussi bien avec des écoles, mais aussi avec des jeunes, des entreprises, et les familles des résidents, donc je trouve que ça c’est super.

Brigitte Lecornu, EHPAD La Forêt : J’ai oublié de vous le dire tout à l’heure, mais on avait une école qui tous les 15 jours nous envoyait à peu près un dessin pour chaque résident.

Brigitte De Maria, Horizons Solidaires : Pour compléter également, dans la résidence sénior que nous allons ouvrir à Saint Nazaire, il s’agira d’une résidence intergénérationnelle dans laquelle il y aura 8 logements pour des étudiants infirmiers qui assureront l’astreinte auprès de l’ensemble des locataires.

Audio :

10h20 : Présentation du programme « Vers des maisons de retraite plus inclusives »

Intervention : Dominique THIERRY, cofondateur de France Bénévolat et président d’ADELIS

Outre le partenariat de qualité avec Futurâge, avec les témoignages que l’on vient d’entendre, je n’ai presque plus rien à dire. Les illustrations que l’on vient d’entendre sont l’exemple même de ce que l’on souhaiterait généraliser et accentuer. Nous pouvons définir ce programme de Maisons de retraite plus inclusives, selon la terminologie trouvée par Philippe Kourilsky comme un regard différent porté par les citoyens du territoire sur les établissements de personnes âgées. Définition un peu plus large que celle des EHPAD puisqu’elle contient aussi les résidences séniors, les résidences autonomie, etc.

  •  Des citoyens du territoire qui ont un regard différent sur les établissements pour personnes âgées : « des lieux de vie normaux », avec des contraintes spécifiques, où on peut aller
  • Des établissements où tous les acteurs sont mobilisés ensemble sur « du bien vivre » : personnel soignant, personnel non soignant, familles, bénévoles et, évidemment, résidents eux-mêmes
  • Des établissements ouverts sur leur environnement : établissements scolaires, associations, habitants… et sachant coopérer avec eux, sur des projets et actions concrets intergénérationnels. Donc des écosystèmes de solidarité qui se construisent dans la durée
  • Des résidents considérés comme des adultes et des citoyens à part entière, dont l’utilité est reconnue et qui se sentent utiles
    Cette définition entraîne des objectifs ambitieux :
  • Des valeurs fortes et partagées
  • Des objectifs « souvent inatteignables »…, mais vers lesquels on tend
  • Une volonté partagée de progrès continu
  •  Des petits pas modestes, mais qui tendent vers ces objectifs
  • Une valorisation permanente de « ces petits pas » et de celles et ceux qui y ont contribué
  • Une transparence totale, y compris des échecs

Une méthodologie rigoureuse apportée par l’association ADELIS, association commune crée entre France Bénévolat Ile-de-France et RESOLIS. Elle est appelée à se co-construire.

  • Mais c’est à chaque établissement d’adapter, en fonction de son contexte, son histoire, ses contraintes (« son pas de marche »)
  • Des processus dans la durée (du temps long), avec des objectifs intermédiaires
    Notre façon de démarrer dans le contexte pandémique actuel est pragmatique. Evidemment, sauf exception (situation moins difficile dans les Résidences Autonomie), les établissements volontaires ne peuvent pas présenter et porter un tel programme à court terme. C’est la raison pour laquelle nous leur proposons de démarrer par deux clés d’entrée simples :
  • Mener un autodiagnostic (grilles dans la boîte à outils) : la situation du bénévolat et la situation de l’animation socio-culturelle.
  • La remise « clés en main » de supports d’animation qui peuvent être utilisés par l’équipe d’animation sans interventions externes (actuellement 8 supports d’animation, bien sûr, au choix des établissements)

L’idée est de capitaliser et d’échanger entre établissements volontaires qui entrent dans la démarche.

Au travers de la notion « d’écosystèmes de solidarités locales », qui constitue l’ADN d’ADELIS, nous visons à rapprocher ce programme avec d’autres programmes ou actions, en particulier le programme « ELSI » (Ecosystèmes Locaux de Solidarité Intergénérationnelle), actuellement implanté dans 6 territoires.

Bien sûr, dès que les conditions sanitaires le permettront, le but est de trouver des associations, des établissements scolaires et des bénévoles susceptibles de proposer des projets d’animation ou de s’impliquer dans les projets imaginés ou engagés.

Le programme repose sur des partenaires qui visent à travailler en réseau. Des partenaires nationaux, actuellement : la Fondation SNCF, AG2R LA MONDIALE, l’association FuturÂge et la FIAPA (Fédération Internationale des Associations de Personnes Agées). Et des partenaires locaux : les établissements volontaires (actuellement 6, presque 8) qui échangent sur leurs pratiques et leurs innovations. Pour les établissements, l’accompagnement d’ADELIS est gratuit. Ensemble et avec l’équipe dédiée d’ADELIS, ils constituent le Comité de pilotage du programme.

Nous avons la volonté de regarder ce qui se passe ailleurs avec notamment un projet d’échanges franco-allemand. Parallèlement, avec l’appui de la FIAPA, un « benchmark » avec des pays qui ont des dynamiques positives : études globales et repérages d’expériences de terrain innovantes. 2 pays prioritaires, outre l’Allemagne : le Danemark et la Hollande. Nous avons obtenu aussi un financement obtenu, début janvier 2021, du Fonds Citoyen Franco-allemand.

Il y a une équipe dès à présent constituée et qui a vocation à s’élargir en fonction du développement du programme

  • Dominique Thierry (ADELIS/RESOLIS)
  • Philippe Kourilsky (RESOLIS)
  • Farid Taleb (FuturÂge)
  • Alain Koskas (FIAPA)
  • Tristan Hauck et Eric Sanchez (AG2R LA MONDIALE)
  • Michel Lefranc et Michèle Hermet (France Bénévolat)
  • Des contributions des salariés de RESOLIS et de France Bénévolat Ile-de-France
  • La possibilité de prendre des stagiaires pour animer des projets de terrain

Audio :

ECHANGES

Jean-Charles Pomerol, Futurâge

Nous étions associés à une étude soutenue par les institutions européennes sur les innovations pour les personnes âgées en Finlande en particulier sur le maintien à domicile, le réseau de personnes, les appels, etc. Il y a beaucoup d’expérience évidemment dans ces pays, aux Pays-Bas aussi. Pour en revenir aux EHPAD je tiens aussi à souligner, à propos des soins cette fois, que lorsque ça devient un peu plus compliqué pour la personne âgée, on la transfère aux urgences de l’hôpital le plus proche. C’est un système terrible et d’autant plus en temps de pandémie comme depuis un an.

Dominique Thierry, ADELIS

Nous considérons que les fonctions de base d’une maison de retraite sont au minimum l’hôtellerie, l’hygiène et les soins. Ceux-ci doivent être corrects. En dessous de ce minimum, on est clairement dans la maltraitance passive ou active de personnes âgées. Nous présupposons que ces fonctions de base sont correctes, nous ne faisons pas d’audit. Notre programme se situe au-delà. Nous nous positionnons sur comment les établissements sont ouverts sur leur environnement et réciproquement. Le rapport du Conseil national d’éthique y fait référence.

Michel Lefranc, France Bénévolat

Nous avons obtenu une subvention du fonds citoyen franco-allemand pour travailler sur le sujet « des équivalents EHPAD » en Allemagne. En Allemagne les EHPAD sont choyés. Ce que je constate en travaillant dans le Bade-Wurtemberg, à la frontière franco-allemande, les responsables seniors en France ne sont pas réactifs à notre demande, leur préoccupation est autre. Nous allons continuer sur cette lancée et avec l’aide de Monsieur Koskas nous allons pouvoir avancer.

Dominique Thierry, ADELIS

Nous sommes logés à la même enseigne, c’est-à-dire que tout le monde gère le moindre mal possible à très court terme. Le choix de la date de ce webinaire n’est pas un hasard, on peut considérer que l’on peut maintenant espérer entrevoir une sortie de crise. Un pays comme l’Allemagne est dans la même situation.

Brigitte De Maria, Horizons Solidaires

C’est lié à la façon culturelle et sociale de voir nos ainées. Chez nous la famille est « éclatée ». Si je prends en considération ma propre expérience personnelle de jeunesse, le rapport avec nos grands-parents a changé et évolué. Faut-il recréer les liens intergénérationnels ? Faut-il revenir à une culture plus sociale ?

Dominique Thierry ADELIS

L’Italie, la Belgique, l’Allemagne ont davantage anticipé le vieillissement de la population. A bien des égards la France n’a pas été « championne » sur ce point-là. Michel Lefranc qui travaille sur l’intergénérationnel en Allemagne peut rebondir.

Michel Lefranc, France Bénévolat

Je suis Sur le lac Constance, en Allemagne, il a un profond respect pour les personnes âgées, on veut que les personnes âgées se sentent bien dans leurs hospices.

Brigitte Lecornu, EHPAD La Forêt

Je pense que les hospices doivent redevenir des lieux de vie où on a envie de passer du temps. Je pense qu’en France on est historiquement lié au système hospitalier, ce qui n’est pas forcément une bonne chose. Le pendant médical est important mais il doit être en « sourdine », en EHPAD on y donne du soin mais qu’offrent-on au résident après ?

Dominique Thierry, ADELIS

Les coupures intergénérationnelles sont historiquement fortes en France, pour un tas de raisons que je ne peux pas développer aujourd’hui. Par contre la solidarité familiale y est très forte. L’Italie a également une solidarité familiale très forte. Les Français aiment leur grands-parents mais n’aiment pas les vieux. D’ailleurs ils aiment leurs enfants, mais pas les jeunes. C’est un peu de la provocation mais c’est un peu ça.

Dominique De Maria, Horizons Solidaires

On a eu une expérience ensemble (Dominique Thierry) avec différents acteurs de l’intergénérationnel. Dans le projet, on avait un collège, une association d’insertion. Je ne ressens pas d’appréhension des enfants lorsqu’ils rentrent dans un EHPAD. J’essaie d’intervenir régulièrement avec les enfants dans le foyer autonomie avec des thématiques. On amène nos ainés dans les écoles. Pour évoquer d’autres choses, notamment quand on a un territoire riche culturellement, on a travaillé avec l’association Micro-Folies en EHPAD puisqu’ils ont un outil itinérant.

Philippe Kourilsky, RESOLIS

J’interviens de la manière la plus modeste qu’il soit. Resolis peut offrir ses deux types de savoir-faire. Le premier revient à la notion d’écosystème et qui va répondre en partie, en toute petite partie à la question médicale de Jean-Charles Pomerol. Le savoir d’écosystème, c’est-à-dire de construction de systèmes qui sont fondés non seulement sur les relations bilatérales mais multilatérales comme on dirait en diplomatie. C’est ça un écosystème. Si on considère chaque centre d’intervention (EHPAD, maison d’autonomie) comme le lieu dans lequel un système doit se construire, cela prend la forme d’un système tout à fait pratique : inventorier réellement ce qu’il y a autour et se demander ce qui peut collaborer. Il a un savoir-faire qui produit des fruits à long terme et avec une certaine stabilité.

Deuxième chose cela est fondé sur le partage de bonne pratique et de savoir-faire. Il y a une méthodologie qui fonctionne. Nous avons plus de 1500 retours d’expérience qui permettent un double partage qui intervient sur l’écosystème locale, donc territorialement, mais aussi entre les établissements et les écosystèmes. Nous pratiquons ce dispositif dans d’autres secteurs qui n’ont apparemment rien à voir entre eux mais qui sont parfaitement convergents d’un point de vue méthodologique voire identiques. Et cela fonctionne de mieux en mieux. Au cours du temps tout s’améliore dans le temps avec l’échange de bonne pratique localement et entre les établissements.

Brigitte Lecornu, EHPAD La Forêt

Pour moi, rejoindre ce dispositif c’est rejoindre un réseau. On ne peut qu’évoluer si on échange entre nous comme le souligne Monsieur Kourilsky. En tant que Directrice, je suis là pour répondre aux besoins de mes résidents, un besoin de territoire aussi par rapport aux personnes âgées d’un territoire. Je crois vraiment à la force du réseau. Quand on change des pratiques, cela demande du temps. L’auto-diagnostic permet plus rigoureusement d’échanger sur le projet de crèche à l’intérieur de l’EHPAD par exemple.

Jean-Charles Pomerol, Futurâge

Je voudrais remercier l’ensemble des participants pour leur présence. C’est important de faire connaitre les bonnes pratiques par le biais de témoignages comme celui de Madame Lecornu. Globalement, ce qui me rassure c’est que nous partageons les mêmes valeurs. Des évolutions sont nécessaires. L’ouverture des EHPAD sur leur environnement et la mise en réseau comme l’a souligné Philippe Kourilsky sont des choses essentielles. Il faut savoir reconnaitre un certain nombre d’expérience à l’étranger comme le souligne Dominique Thierry. C’est important de savoir que les idées soient générales et les combattre en les faisant changer à petits pas. Encore une fois la diffusion des idées est essentielle. Merci à toutes et tous.

Audio :