La pandémie ne cesse de mettre les religions à l’épreuve. C’est aujourd’hui aux questions soulevées par la vaccination, commencée dans les Ehpad et auprès du personnel soignant, que doivent répondre les responsables religieux.

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Le Vatican, dans une note de la Commission sur le Covid-19, rendue publique mardi 29 décembre, insiste sur le lien entre santé individuelle et santé collective, ainsi que sur la nécessité de faire du vaccin « un bien auquel chacun peut avoir accès, sans discrimination ». Alors que l’Église de France – même si elle ne s’est pas encore officiellement exprimée -, semble favorable au vaccin, La Croix a voulu connaître la position des autres religions sur le sujet.

Une question de liberté individuelle

Pour Tareq Oubrou, imam de la grande mosquée de Bordeaux et essayiste, la perception religieuse du vaccin est un non sujet. Il voit dans la pandémie un front commun dépassant les appartenances communautaires. « Nous sommes avant tout des individus touchés par un même mal. La santé est universelle, et il faut éviter une communautarisation de la médecine qui n’a pas lieu d’être ». Lorsqu’on évoque les rumeurs sur la présence de produits d’origine porcine dans les vaccins contre le coronavirus, relayées sur les réseaux sociaux et démenties par les laboratoires Pfizer, Moderna et AstraZeneca, le religieux s’amuse. « Les gens sont très forts pour chercher la pureté rituelle au niveau moléculaire. L’acte interdit, c’est seulement de manger du porc. Il s’agit de scrupules futiles et minoritaires, qui ne concernent pas du tout la majorité des croyants ». Les musulmans seraient, comme toutes les composantes de la société française, divisés entre attentisme et enthousiasme par rapport au vaccin et à un possible retour à la normale.

Même tonalité au Conseil National des Évangéliques de France. Son directeur de la communication, Romain Choisnet, rappelle que la vaccination relève d’une décision individuelle. « On remarque deux franges de fidèles : ceux qui préfèrent attendre un peu, et ceux, au contraire, qui voudraient pouvoir se faire vacciner tout de suite pour revenir à la normale ». Pas de position unique donc, mais une prise de distance claire avec les discours anti-vaccins de certains pasteurs évangéliques américains, comme Guillermo Maldonado, de la mega-church « El Rey Jesus », qui avait encouragé, dimanche 6 décembre, ses fidèles à ne pas se faire vacciner, par crainte d’un « agenda mondial satanique ». « Il y a une vraie différence entre les évangéliques Américains et la situation ici, en France. On ne retrouve pas d’attitude fondamentalement anti-vaccins dans nos églises », assure Romain Choisnet.

Défendre l’équité et la santé du plus grand nombre

Tout comme le Vatican, François Clavairoly, président de la Fédération Protestante de France (FPF), pointe du doigt le problème de l’équité dans sa distribution. Il insiste sur le lien entre valeurs chrétiennes et justice médicale : « On peut poser la question de la vaccination à la lumière de l’Évangile. Le vaccin doit être un instrument de médecine au service des populations du monde qui en ont le plus besoin, et si l’on examine le résultat des premières commandes, on est loin du compte. » Si la FPF ne prend pas de position sur le choix vaccinal de ses fidèles, son président rappelle tout de même « la longue histoire en commun » du protestantisme et de la vaccination, dont de nombreux précurseurs étaient des chrétiens réformés.

D’autres courants religieux choisissent d’adopter un rôle actif dans la diffusion du vaccin. Le grand rabbinat de France a ainsi décidé de faire de la vaccination une obligation religieuse, sous réserve d’un avis médical favorable. « Nous nous sommes exprimés religieusement sur cette question en concertation avec plusieurs grands rabbins. Dans le judaïsme, ce qui compte, c’est la primauté de la vie. Au regard du bénéfice du vaccin pour en sauver, se faire vacciner est un devoir religieux si rien ne s’y oppose », détaille Moché Lewin, rabbin au Raincy (Seine-Saint-Denis) et conseiller spécial du Grand Rabbin de France.

Quel rôle pour les religions dans la vaccination et la pandémie ?

Au-delà de la vaccination, les cultes jouent également un rôle important d’apaisement et de conseil dans une période pandémique propice aux angoisses. C’est en tout cas la manière dont le père Pierre Kazarian, recteur de l’église orthodoxe Sainte Philothée de Montpellier, perçoit son rôle de prêtre. « Les fidèles viennent me parler du vaccin, certains avec anxiété. L’Église doit rassurer, apaiser, et faire contrepoids à l’agitation médiatique qui inquiète », estime-t-il. Pourtant, l’épidémie empêche la liturgie de jouer pleinement son rôle de rassemblement, hors des remous du temps présent. Le père l’a d’ailleurs remarqué chez ses fidèles : « Avec la troisième vague que l’on voit venir, on vit sous menace permanente, y compris pendant l’office, où doit pourtant régner la Liberté avec un L majuscule. »

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Finalement, pour le prêtre orthodoxe, le vaccin n’est pas une panacée. Sans se positionner pour ou contre, il anticipe l’avenir, et s’attend à ce que les mesures barrières s’installent sur le long terme au sein de sa communauté montpelliéraine.« Le vaccin empêchera-t-il vraiment la diffusion du virus ? Si la réponse est non, alors il faudra conserver des mesures barrières, même après la vaccination. »