Dans le nord de la Suède, la ville de Kiruna est en plein déménagement. Quand le sol a commencé à s’affaisser sous la cité de 22 000 habitants, il y a une quinzaine d’années, la décision a été prise sans hésiter : plutôt déplacer ce qui pouvait l’être et reconstruire le reste que fermer la mine. Environ trois quarts du minerai de fer produit en Europe sortent de ce joyau de l’industrie nationale – et même plus de 90 % en ajoutant les mines annexes du comté du Norrbotten, toutes exploitées par la compagnie LKAB, détenue à 100 % par l’Etat suédois.
Le déménagement a beau être pharaonique, ce n’est rien à côté du projet que le patron de LKAB, Jan Moström, a présenté le 23 novembre, qu’il décrit comme « la plus grande transformation des cent trente années d’histoire de l’entreprise », et probablement « le plus gros investissement industriel jamais réalisé en Suède ». Au total, il devrait coûter 400 milliards de couronnes (39,2 milliards d’euros) sur les vingt-cinq prochaines années.
L’objectif : décarboner toutes les opérations de la compagnie d’ici à 2045 et produire du fer sans énergie fossile, pour la fabrication d’un acier zéro carbone. Au niveau mondial, l’industrie sidérurgique est responsable d’un peu plus de 7 % des émissions de dioxyde de carbone (CO2). « Qu’on le veuille ou non, nous devons changer notre façon de faire, observe Markus Petäjäniemi, responsable marché et technologie chez LKAB. Plutôt que rester passifs, nous avons décidé de prendre de l’avance. »
Pour le moment, LKAB fournit à ses clients des boulettes contenant entre 67 % et 68 % de fer. Pour produire de l’acier, ceux-ci font fondre le minerai avec du coke (charbon brûlé) dans des hauts-fourneaux extrêmement polluants. C’est cette étape que LKAB veut supprimer, « en avançant d’un pas dans la chaîne de valeur », explique M. Petäjäniemi.
Investissement colossal
D’ici à 2045, la compagnie compte remplacer les boulettes par des « éponges », dont la teneur en fer grimpera à 95 %. Elles seront produites sur place, à côté de la mine, en utilisant un procédé dit de « réduction directe » : le minerai sera désoxydé grâce à de l’hydrogène, produit par électrolyse à base d’énergies renouvelables. Plus besoin de hauts-fourneaux : ils pourront être remplacés par des fours à arc électrique déjà utilisés pour le recyclage de la ferraille, alimentés par des énergies renouvelables plutôt que par du charbon.
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