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« Chronos », de François Hartog : passé, présent et futur du temps

Dans son nouvel essai, l’historien des concepts reprend sa réflexion sur le temps à l’aune de l’histoire du christianisme, nous permettant peut-être ainsi d’avoir prise sur nos désarrois et nos anxiétés.

Par  (Historien et professeur émérite au Collège de France)

Publié le 16 octobre 2020 à 16h00

Temps de Lecture 3 min.

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Issue de la série « D’après moi, le déluge ». « Les horloges ». 2012.

« Chronos. L’Occident aux prises avec le Temps », de François Hartog, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 344 p., 24,50 €, numérique 18 €.

François Hartog est sans nul doute l’historien qui a développé la réflexion la plus lucide sur la relation nouée entre le temps perçu par les individus et celui construit par les récits du passé. Pour la comprendre, il a proposé la notion de « régime d’historicité » et tissé une trame marquée par deux ruptures : celle qui a substitué la certitude d’un progrès sans fin, inscrit dans les lois du devenir historique, au modèle antique où l’histoire était maîtresse et guide de la vie présente ; et celle qui, dans les sociétés contemporaines, a imposé un présent dévorant, omniprésent et néanmoins envahi par les exigences de la mémoire et les obsessions patrimoniales.

François Hartog a consacré quatre livres à ces crises du temps : Régimes d’historicité (Seuil, 2003), Evidence de l’histoire (Editions de l’EHESS, 2005), Anciens, modernes, sauvages (Galaade, 2005) et Croire en l’histoire (Flammarion, 2013). Le crépuscule de cette puissante tétralogie l’a laissé insatisfait. Sa typologie, organisée en chronologie, n’avait pas reconnu toute l’importance du régime d’historicité qui a dominé l’Occident durant dix-huit siècles : celui instauré par le christianisme. C’est chose faite avec son nouvel ouvrage, Chronos. L’Occident aux prises avec le Temps.

L’appropriation chrétienne de deux notions grecques

L’historien désigne le régime chrétien d’historicité comme un « présentisme apocalyptique ». Celui-ci s’est construit à partir de l’appropriation chrétienne de deux notions grecques, investies de significations tout à fait neuves dans la traduction alexandrine de la Bible. Le kairos n’est plus l’occasion saisie par les cheveux, mais l’incarnation du Christ, qui ouvre le temps de la fin. La krisis devient le jour du dernier Jugement et de la fin des temps. Pour les humains, dans le temps qui reste, le passé n’est plus un répertoire d’exemples à imiter. Il est la préfiguration prophétique d’un présent qui contient déjà son devenir.

Une interrogation fondamentale tourmente cependant l’attente de l’apocalypse. Est-elle imminente, datable à partir des textes qui l’annoncent : le Livre de Daniel, la deuxième épître de Paul aux Thessaloniciens ou le chapitre XX de l’Apocalypse de Jean ? Une telle proximité déchaîne les ferveurs millénaristes que l’Eglise redoute tant. Est-elle plus lointaine, située dans un dessein de Dieu dont la connaissance est interdite à ses créatures ? Un espace s’ouvre alors pour l’histoire et pour une existence entre deux présents : celui, divin, de l’attente de l’accomplissement, et celui, naturel, né de la confusion entre Kronos (ou Cronos), le géant mythologique qui a « débloqué le temps » (comme disait Jean-Pierre Vernant), et chronos, défini comme le temps commun des humains. L’éloignement de cet horizon sans date oblige le christianisme à reconnaître la diversité des temps et à développer des stratégies d’accommodation qui donnent au présentisme chrétien une épaisseur historique.

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