Lycée Gallieni, Toulouse
Rassemblement des professeurs devant les grilles du lycée le 27 Janvier 2018
Mathieu Perion (barbu lunettes), Fanny Guichard (blonde veste bleue) Bruno Richard (barbu, lunettes, veste rouge) Nicolas Tournier (barbu ,unettes cheveux longs) Didier Marmorat (tshirt bleue veste noire)

En ce samedi 27 janvier, ils sont plus de 60 à être venus tirer la sonnette d'alarme: "Il faut que l'Education nationale se préoccupe de nous."

C. BELLAVIA/DIVERGENCE POUR L’EXPRESS

A vrai dire, nous espérions convaincre cinq ou six professeurs de poser pour l'objectif du photographe. Cinq ou six valeureux, pour témoigner de la situation du lycée Gallieni, à Toulouse, malgré le devoir de réserve et -surtout- malgré les menaces dont ils font chaque jour l'objet. Et puis, bravant le froid d'un samedi bruineux, ils sont arrivés, emmitouflés dans leurs parkas et l'on aurait dit que ça ne finirait jamais... 60!

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60 professeurs. La moitié du corps enseignant de l'établissement s'était déplacée en ce début d'après-midi. Ils n'en revenaient pas eux-mêmes d'être aussi nombreux, là où la colère et le désarroi les avaient soufflés. "La République nous abandonne", étaient-ils venus témoigner.

Face à l'escalade de la violence, l'administration temporise

La République, au lycée Gallieni, est en effet en situation de faute lourde. Voilà des semaines que ce lycée pro fait face à des violences quotidiennes d'une intensité inouïe, sans que l'Education nationale ne s'en émeuve particulièrement. Un jour, un élève se fait tabasser en cours d'espagnol; un autre, c'est le proviseur qui se fait chasser de la cafétéria à coups de jets de canettes -quand ce n'est pas un adolescent qui agresse sa propre mère en fin de réunion parents-élèves... Le tout dans le fracas intermittent des alarmes à incendie, dont les départs sont désormais chroniques.

ENQUÊTE >> Un lycée en état de guerre

Et ce n'est là qu'un échantillon: les faits que notre enquêtrice a répertoriés sont à peine croyables tant ils sont nombreux et violents. Le lycée est quasi en état de guerre, donc, mais l'administration temporise, minimise. Et ce malgré le rapport du comité d'hygiène et de sécurité de l'Académie, que L'Express s'est procuré, et qui enchaîne sobrement les statistiques de la déroute: de 60 à 80 élèves en suivi judiciaire; certains en possession d'armes; 95% des interrogés (élèves et personnel) victimes de violences...

On le dira avec la colère qui convient: c'est la honte de la République que de traiter avec autant de désinvolture ses propres hussards. Plusieurs d'entre eux se sont déjà fait agresser, et certains, désormais, demandent à être raccompagnés à leur véhicule en sortant de l'établissement. C'est la honte de la République, aussi, que de laisser les "85% d'élèves tranquilles" -pourcentage estimé par les professeurs- se faire ainsi pourrir la vie et gâcher les chances de réussite.

Comment tenir la "splendide promesse" de la méritocratie républicaine?

Les filles, notamment, ces ultraminoritaires du lycée pro, priées de se faire le plus transparentes possible et de raser les murs. Nous espérons que l'édifiante enquête de notre journaliste, à laquelle nous avons décidé de consacrer la couverture pour qu'elle obtienne le maximum d'écho, contribuera à faire évoluer la situation, et vite.

Enfin. Si le cas du lycée Gallieni constitue une exception par sa gravité, il rappelle cependant que dans de trop nombreux endroits l'école ne peut plus tenir la "splendide promesse" faite au peuple de la méritocratie républicaine. Ceux qui ont tout à attendre de l'école sont aujourd'hui ceux qui en bénéficient le moins. Certains établissements sont laissés à leur homogénéité sociale digne de ghettos. Certains, encore, sont gangrenés par la violence, par l'islamisme, ou parfois par les deux... Continuer ainsi est une capitulation politique. Et un abandon de classe.

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