Un enseignant agressé au cutter et aux ciseaux dans sa classe à Aubervilliers par un homme qui a invoqué le groupe Etat islamique

Une enseignante du lycée Edouard-Branly de Créteil a été braquée par un élève avec un pistolet factice (photo d'illustration).

afp.com/JEFF PACHOUD

Depuis ce week-end, un tsunami de témoignages d'enseignants a submergé les réseaux sociaux. Sous le hashtag #PasDeVague - une réponse qui leur serait trop souvent assénée par leur hiérarchie -, ils évoquent en vrac les humiliations, les agressions verbales, parfois physiques, qu'ils subissent dans l'enceinte de leurs établissements scolaires.

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Autant de témoignages révélateurs de ce sentiment criant d'abandon que connaît la profession. Tenus par leur droit de réserve, la peur de "stigmatiser" les élèves, de porter atteinte à la réputation de leur établissement, découragés aussi par l'absence d'écoute ou de réponses de la part des équipes de direction ou des académies, beaucoup d'enseignants se sont longtemps tus. Jusqu'au fait divers de trop, celui qui, la semaine dernière, a fait sauter la digue du silence. Et libéré la parole. Il s'agit d'une vidéo qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux depuis la semaine dernière et qui montre une enseignante du lycée Edouard-Branly de Créteil (Val-de-Marne) braquée par un élève avec une arme factice en salle de cours.

Les ministres de l'Education nationale et de l'Intérieur, Jean-Michel Blanquer et Christophe Castaner, n'ont pas tardé à réagir. "La sanctuarisation de l'espace scolaire est la base fondamentale de la vie scolaire et de tous les apprentissages. La force doit toujours être du côté du droit. Tout sera mis en oeuvre pour qu'il en soit ainsi en permanence dans tous nos établissements", écrivent-ils dans un communiqué commun.

Le précédent Gallieni, à Toulouse

Un discours qui n'est pas sans rappeler celui déjà tenu au moment de l'"affaire Gallieni" en janvier 2018. Des enseignants avaient eu le courage de poser en couverture de L'Express pour dénoncer les violences quotidiennes dans ce lycée professionnel de la banlieue Sud de Toulouse : insultes, menaces de mort, agressions, circulation de stupéfiants, départs de feu...

Lycée Galliéni de Toulouse

Lycée Galliéni de Toulouse

© / "L'Express"

"A Gallieni, la République a mis un genou à terre, avait martelé Mathieu Perion, professeur de génie mécanique et correspondant local du SNUEP-FSU. Nous lançons un cri d'alarme. Il faut sauver notre lycée. Il y a urgence !" Déjà, ses collègues et lui décrivaient des scènes inimaginables : proviseur jeté hors de la cafétéria à coups de canettes, enseignantes obligées de se faire raccompagner sur le parking par des élèves le soir, de fermer les yeux lorsqu'elle étaient confrontées à des cas d'exhibitionnisme en plein cours...

Plus grave encore, les élèves eux-mêmes vivaient dans une insécurité permanente, en particuliers les filles. Autant de faits longtemps niés par l'équipe de direction de Gallieni et l'académie de Toulouse, jusqu'à cette mobilisation sans précédent des enseignants. Très vite, Jean-Michel Blanquer s'était rendu à leur chevet et avait mis en place toute une série de mesures et une nouvelle équipe (proviseur, adjointe à la sécurité, directrice académique des services de l'Education nationale...).

"Mettre les problèmes sous le tapis"

Problème : combien d'autres Gallieni y a-t-il en France ? Combien d'autres élèves sont victimes de harcèlement ? Combien d'autres enseignants ne sont pas entendus ? Dans un entretien accordé à L'Express, le 30 mai dernier, Jean-Michel Blanquer répondait ainsi à cette question centrale de l'omerta dans l'Education nationale : "Lorsque je suis arrivé, l'une de mes premières mesures a été de demander que le nombre de conseils de discipline ne soit plus un critère pour l'évaluation des établissements par le ministère. A force, cette prise en compte avait conduit certains chefs d'établissement à mettre les problèmes sous le tapis."

Dans un entretien donné au Parisien, ce lundi 22 octobre, il évoque également d'autres pistes, comme la mise en place de "structures spécialisées d'accueil des enfants et adolescents qui ne respectent pas les règles" et explique entamer un début de réflexion sur la "politique de responsabilisation des familles de mineurs qui vont trop loin". Tandis que bon nombre de syndicats d'enseignants préfèrent, eux, mettre l'accent sur le "manque de moyens humains".

On devrait en savoir plus dans les jours qui viennent, Jean-Michel Blanquer et Christophe Castaner ayant promis de réunir "un comité stratégique, constitué de tous les acteurs oeuvrant d'ores et déjà pour un apprentissage serein, afin d'arrêter un plan d'actions ambitieux, visant à mettre un terme à de tels comportements". Les réponses seront-elles, cette fois, à la hauteur ?

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