Reportage

Hommage à Arnaud Beltrame : «Nous honorons un acte positif qui donne foi en l’humanité»

L'hommage national en l'honneur du colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, tué vendredi par Radouane Lakdim après s'être substitué à une otage à Trèbes, a eu lieu ce mercredi matin. Des centaines de personnes se sont massées sur le chemin du cortège funéraire pour saluer sa mémoire.
par Anaïs Moran
publié le 28 mars 2018 à 16h18

Il est 10h30 lorsque le cortège funéraire passe devant Raymond, jeune retraité de 63 ans. Applaudissements solennels. Long silence de recueillement. Puis : «Voilà un moment de respect exemplaire pour honorer un acte absolu de bravoure et d'amour sans égale», murmure cet ancien instituteur, comme pour ne pas perturber la discrétion de ses voisins. «Mon cœur est entièrement tourné vers cet homme. Je salue aujourd'hui la fraternité de son geste.» Ce mercredi matin, Raymond et des centaines d'autres personnes (dont plusieurs classes de collégiens) se sont réunis rue Soufflot, aux abords du Panthéon, pour honorer le colonel Arnaud Beltrame, 44 ans, «tombé en héros» lors des attentats dans l'Aude, en se substituant à une otage du supermarché de Trèbes. «Nous saluons aujourd'hui un geste porteur d'espoirs», célèbre de son côté Myriam, doctorante de 26 ans. «Nous ne pleurons pas seulement sur nos morts, nous honorons aussi un acte positif qui donne foi en l'humanité

Si certains se sont retrouvés en famille ou entre amis massés sur cette artère du quartier latin, beaucoup de riverains sont venus seuls sous leur parapluie. C'est le cas de Hubert, 65 ans, présent pour le départ du cortège par «principe démocratique» ; celui de Pascal, 58 ans, «convaincu de devoir saluer un homme remarquable autrement que devant sa télé» ; celui d'Anne, 40 ans, «touchée en plein cœur par le sacrifice de cet homme» qui lui rappelle «ses ancêtres partis à la guerre» ; celui de Romaine, 60 ans, catholique pratiquante qui voit dans le geste du gendarme «la rédemption de Jésus et l'offrande d'une vie pour l'humanité». Tous ont la mine chagrinée et la parole tremblante. Mais personne ne se parle vraiment, chacun préférant se réfugier auprès de «convictions intimes et personnelles».

Eric est venu accompagné de ses trois enfants, de 11 ans, 7 ans et 5 ans. Et préfère briser la retenue de l'atmosphère. «Je voulais leur montrer ce que signifiait un homme de bien», explique-t-il. «Ce n'est pas toujours facile de faire comprendre aux enfants des notions génériques telles que la bonté et le mal. Arnaud Beltrame est l'illustration parfaite du héros, un terme qui parle à tous les petits. Aujourd'hui, mes enfants comprennent ce que sont le courage et l'altruisme. Ces hautes valeurs qui doivent les diriger tout au long de leur vie

11h15, pelouse des Invalides, face à l'écran géant. Thibault, 19 ans, étudiant en histoire et sciences politiques, rejoint ses amis avant le début de la cérémonie officielle présidée par Emmanuel Macron. Il pleut encore. Le public, plusieurs centaines de personnes, est toujours aussi silencieux. Ou perdu dans ses pensées. «Je viens personnellement saluer un acte citoyen et patriotique», souffle le jeune homme. «Par son courage, cet homme a rappelé l'importance de la chose commune à l'heure où notre jeunesse s'intéresse davantage à l'individualisme. C'est un message de résistance très fort.» Quelques minutes avant le discours du Président, Raphaëlle, 37 ans, ne peut s'empêcher d'exprimer un sentiment amer : «Je dois avouer que je m'attendais à voir plus de monde. Je suis un peu déçue. Il ne faut jamais oublier que nous aurions pu être les otages. Arnaud Beltrame aurait sacrifié sa vie pour n'importe lequel d'entre nous. C'est un devoir de citoyen d'être présente ce matin.»

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus